La transformation d'une expérience en savoirs expérientiels puis la mobilisation de ceux-ci dans un rôle professionnel représente un processus parfois complexe. Toute expérience n'a pas forcément d'intérêt à être explorée à ce point, mais cette modélisation permet d'identifier les étapes menant d'une expérience de la maladie à un rôle de pair aidant professionnel.
Le premier élément constitutif de la profession de pair aidant est l'expérience de la maladie, mais aussi du système de santé et de la stigmatisation qui l'accompagne. Cependant, le seul fait de vivre avec la maladie ne suffit pas pour pouvoir se servir de cette expérience et, par exemple, accompagner quelqu'un dans un parcours similaire. Les processus décrits ci-dessous sont nécessaires pour transformer un vécu en savoirs expérientiels que l'on peut mobiliser.

Le premier degré de transformation d'une expérience donnée en savoirs mobilisables est une prise de recul vis-à-vis de ces événements. Ce travail d'explicitation et de formalisation est nécessaire pour identifier ce que la personne a appris de cette expérience. Chacun de nous s'adapte et évolue au quotidien en fonction de ce qu'on vit, cependant l'essentiel de ces apprentissages demeurent tacites. Ce qui ne diminue en rien leur utilité, mais restreint notre capacité à en parler.

D'où l'importance – dans une fonction telle que pair aidant – d'identifier et verbaliser ce qu'on a vécu et ce qu'on en a appris. Par exemple, comment s'orienter dans le système de santé ? Comment être hospitalisé quand on en ressent le besoin ? Et comment quitter l'hôpital une fois qu'on en sent plus le besoin ? Ou, à l'inverse, reconnaître l'expertise des soignants et accepter leur aide.
Au-delà d'identifier ses propres apprentissages et d'en analyser l'émergence, le degré suivant consiste à partager ces expériences et les croiser à celles d'autres personnes. Cette "confrontation" de multiples vécus permet – en plus de relativiser son propre parcours – d'identifier les aspects similaires et ceux qui diffèrent. À terme, ce processus amène à une compréhension plus objective de la diversité de vécus rencontrés en psychiatrie et, par conséquent, de pouvoir apporter un propos qui dépasse son expérience singulière.

Pour finir, le fait de travailler en tant que pair aidant nécessite – d'une manière ou l'autre – une reconnaissance des éléments qui précèdent. Que ce soit par une formation ou le recrutement par une institution. Il est à noter que, bien que des formations existent en France depuis plus de dix ans, une proportion des pairs aidants actuellement en poste ne sont pas passés par cette voie.
